Régine Crespin (Cassandre/Didon), Noémie Souza (Anna), Africa de Retes (Ascagne), Guy Chauvet (Enée), Victor de Narke (Narbal), Nino Falzetti (Hylas), Per Drewsen (Iopas), Walter Maddalena (Panthée), Guerrino Boschetti (Mercure). Orchestre et Chœur du Théâtre Colón, dir. Georges Sébastian (Buenos Aires, live du 26 mai 1964).

CD Malibran MR 769-1. Pas de notice. Distr. Malibran.

Régine Crespin et Georges Sébastian dans Les Troyens, quoi de plus alléchant ? Mais on déchante vite : cette soirée du Colón ne propose qu'un infâme tripatouillage qui défigure totalement la partition. La Prise de Troie se limite à l'air de Cassandre, un extrait du finale des premier et deuxième actes - exit le pauvre Chorèbe ! Une fois à Carthage, il faut, entre autres, oublier « Errante sur les flots », le duo entre Anna et Narbal, le Sextuor, tolérer d'innombrables coupures, jusque dans la mort de Didon. Le ballet, en revanche, échappe au massacre - à l'exception du Pas des esclaves nubiennes. On doit aussi passer sur un son médiocre, un chœur et un orchestre que le bouillant Sébastian peine à faire rentrer dans l'ordre. Dommage : on sent le chef de théâtre qu'on a si souvent apprécié dans les fosses de l'Hexagone, avec une Chasse royale qu'on aimerait beaucoup s'il dirigeait une autre phalange. Reste Crespin, évidemment : un style, un ton, un port, inégalés depuis, sans parler de l'articulation. Et dire qu'EMI, un an plus tard, ne lui offrirait qu'un semblable charcutage... On y retrouverait Guy Chauvet, qui assure mais reste trop droit, trop raide dans l'aigu, lui dont, côté Berlioz, on préfère de beaucoup le Faust. C'est qu'Enée appelle un ténor plus léger, héritier des rôles de la première moitié du siècle : l'heure de Samson n'est pas encore venue, même pour le vaillant héros troyen. La troupe du Colón, autour d'eux, ne démérite pas. Ne négligeons pas le bonus, dirigé en 1956 par un Manuel Rosenthal volcanique. On y entend peu Ethel Semser, l'Alceste et la soprano des Gurrelieder de René Leibovitz - quoique, après Crespin... Mais Louis Rialland, certes assez élégiaque, semble plus près que Chauvet de la vérité vocale d'Enée. Un album réservé aux admirateurs de la lionne.

D.V.M.