Tatiana Borodina (Halka), Oleh Lykhach (Jontek), Aleksandra Buczek (Zofia), Mariusz Godlewski (Janusz), Radosław Żukowski (Stolnik), Zbigniew Kryczka (Dziemba), Jacek Ryś (Joueur de cornemuse), Rafał Majzner (Un montagnard), Orchestre et Chœur de l'Opéra de Wrocław, dir. Ewa Michnik, mise en scène : Laco Adamik (Wroclaw, 8 septembre 2005).

DVD Dux 9538. Distr. DistrArt Musique.

On avait déjà le CD (voir L'ASO n° 274), voici le DVD. Intéressant, parce que Laco Adamik consomme la rupture avec un certain type de production qui sévissait en Pologne à une époque : le pittoresque et le carton-pâte sombraient dans le kitsch alors qu'on exaltait la lutte des classes pour cette histoire de paysanne séduite et engrossée par un noble sans scrupules qui épouse sous ses yeux une jeune fille de son rang - elle en perd même la raison, abandonnant son enfant affamé pour se jeter dans le lac. Moniuszko a, de plus, composé à travers Halka, comme à travers Le Manoir hanté, l'opéra national polonais par excellence. Cela disparaît aussi : le spectacle est plus axé sur le symbole que sur l'anecdote, au milieu des décors abstraits mais signifiants de Barbara Kędzierska : espace nu, souvent à deux niveaux, avec noblesse en haut et peuple en bas, pieux s'enfonçant dans le sol pour suggérer une forêt, un labyrinthe ou une prison, voire les coups portés au cœur de la pauvre Halka, costumes blancs pour les uns, noirs pour les autres... Ceux des montagnards ont perdu toute référence à ces Tatras où la musique polonaise a si souvent puisé son inspiration. Leurs danses aussi, grâce à la chorégraphie contemporaine d'Irina Mazur. Le halo de lumière bleue dont Bogumił Palewicz nimbe la scène est magnifique aussi. Ces ruptures sont salvatrices : en « dénationalisant » Halka, elles lui donnent une portée universelle et nous rappellent que cet ouvrage a sa place dans l'opéra européen de son temps.

Sans rien bouleverser, la direction d'acteurs est efficace, même si elle n'arrive pas à faire bouger Oleh Lykhach, Jontek solide mais sans raffinement, aux aigus trop durs. Elle donne en revanche une grande intensité à la composition de Tatiana Borodina, dont le timbre manque parfois un peu de rondeur et l'aigu de stabilité, alors que Mariusz Godlewski porte beau en Janusz, le séducteur lâche. Ewa Michnik, la maîtresse des lieux, qui a fait de Wrocław un des premiers opéras de Pologne, a le geste sûr, même si la baguette pourrait s'alléger ici ou là. Le DVD pourrait maintenant nous offrir la production varsovienne de Mariusz Treliński, dirigée par Marc Minkowski.

D.V.M.