Plácido Domingo (Gianni Schicchi), Andriana Chuchman (Lauretta), Arturo Chacon-Cruz (Rinuccio), Meredith Arwady (Zita), Greg Fedderly (Gherardo), Stacey Tappan (Nella), Craig Colclough (Simone), Philip Cokorinos (Betto di Signa), Liam Bonner (Marco), Peabody Southwell (La Ciesca), E. Scott Levin (Maestro Spinellocio), Ser Amantino di Nicolao (Kihun Yoon), Daniel Armstring (Pinellino), Gabriel Vamvulescu (Guccio), L.A. Opera Orchestra, dir. Grant Gershon, mise en scène : Woody Allen (2015).

DVD Sony 8985315089. Distr. Sony.

Une licence, c'est tout ce que se permet Woody Allen pour sa réjouissante régie de la comédie florentine de Puccini : à la toute fin, Zita revient et larde d'un coup de couteau le héros de Dante avant de s'emparer avec gourmandise d'un tabouret. Geste plus comique que tragique, auquel Plácido Domingo répond par une petite grimace avant de sourire, demandant « l'attenuante ». On la lui donne, car même si Woody Allen est parfait, emmenant le tout d'un geste vif sans forcer les traits, respectant quasiment l'âge de chacun des personnages - Puccini les a indiqués -, c'est d'abord pour l'incarnation sans forfanterie, tout en élégance et en subtilité, de celui qui fut l'un des plus grands ténors pucciniens de l'histoire qu'on thésaurisera ce Gianni Schicchi. Ecrit pour New York, Puccini y demande une troupe ; c'est ce que lui offre celle de l'Opéra de Los Angeles, brillante sans ego, alerte sans vulgarité, laissant, seul bémol, l'orchestre un rien distant : tout le théâtre se fait à la scène, c'est comme s'il n'y entrait pas. Mais enfin, impossible malgré cette réserve de bouder son plaisir. L'incarnation de Domingo est prodigieuse, vocalement évidemment - timbre encore solaire, notes affûtées, mots brillantissimes -, mais aussi par une certaine virtuosité dans l'expression : en deux minutes il faut le voir passer de la fureur lorsque Zita refuse la main de Rinuccio à Lauretta, à l'adoucissement lorsque celle-ci lui chante - somptueusement - son arietta, puis au surgissement de cette malice diabolique qui lui vient à l'esprit et lui vaudra l'enfer. Toujours dans la musique, le geste du cinéaste brosse la petite comédie avec autant de tendresses que de sarcasmes, écoutant tout ce que Puccini y fait entrer comme subtilités de sentiment. Et comme pour épuiser préalablement les rires trop gras que la farce pourrait provoquer, il les évacue en faisant précéder le spectacle d'un générique hilarant défilant sur une célèbre chanson napolitaine. Belle soirée sans histoire, mais non sans arrière-plans, et un nouveau rôle à inscrire au palmarès de la saga Domingo : hier Chantal Cazaux apportait quelques bémols à son Francesco Foscari, créé dans le même théâtre dont il est le patron et capté à Londres (lire ici), mais pour Gianni Schicchi l'affaire est entendue.

J.-C.H.