Philippe Do (Adrien), Gabrielle Philipponet (Emirène), Jennifer Borghi (Sabine), Philippe Talbot (Pharnaspe), Marc Barrard (Cosroès), Nicolas Courjal (Rutile), Jean Teitgen (Flaminius) Purcell Choir, Orfeo Orchstra, dir. Gyorgy Vashegyi (live, 2012).
Ediciones Singulares/Palazzetto Bru Zane (disponible en téléchargement sur Qobuz, I-Tunes).


Composé en 1791 mais représenté pour la première fois en 1799, pour des raisons de censure, Adrien est l'archétype même de l'opéra héroïque de la période révolutionnaire. Marqué par la volonté de renouveler le langage lyrique, il est partagé entre  l'héritage de la tragédie réformée gluckiste et l'influence très nette du "Sturm und Drang" qui se fait jour dans des pièces instrumentales de grande envergure, comme son ouverture empruntée à un opéra antérieur du compositeur, Horatius Coclès ou l'étonnante pantomime nocturne de l'acte II. Dominée par un récitatif sec basé sur l'alexandrin, l'œuvre paraît parfois un peu longuette et monotone mais révèle toute son originalité dans de beaux ensembles remarquablement construits comme le finale de l'acte I qui débute  par un duo "amoureux" et se termine dans une scène de bataille spectaculaire d'une grande complexité dont le chœur final fait immanquablement penser  à celui des Scythes dans l'Iphigénie en Tauride de Gluck. Les airs eux-mêmes assez brefs et peu nombreux semblent plus banals, mais sont toujours d'une agréable venue. C'est surtout dans l'écriture orchestrale que Méhul se distingue et semble préfigurer le romantisme naissant avec des tournures  prémonitoires et une orchestration d'une grande densité. Le livret met en scène l'empereur romain Hadrien aux prises avec les Parthes révoltés, en la personne de Cosroés, leur roi, et de son futur gendre Pharnaspe. Partagé entre sa haine politique, son sens de l'honneur et son amour pour Emirène,  la fille du roi ennemi, il finira par pardonner à ses ennemis et renoncera à son amour, avec une magnanimité assez peu cohérente avec son comportement antérieur plutôt versatile et tyrannique. On est évidemment tenté d'y voir une réplique de la Clémence de Titus métastasienne, et de fait, le livret s'inspire directement d'une œuvre du Poète impérial viennois, Adriano in Siria. Cette production, enregistrée sur deux soirées en juin 2012, souffre de quelques limites, singulièrement justement du côté de ces abondants récitatifs qui exigeraient une toute autre qualité de travail théâtral pour convaincre et où la plupart des chanteurs se montrent ou triviaux ou grandiloquents. Vocalement, en revanche, la distribution est tout à fait à la hauteur des exigences de rôles écrits, pour la plupart, dans des tessitures souvent très tendues, comme celle de bary-ténor d'Adrien auquel Philippe Do apporte une respectable carrure. Gabrielle Philiponnet, idéale de timbre et de style apporte à son personnage de belle captive toute la douceur voulue. Jennifer Borghi en revanche paraît un éprouvée par un rôle qui réclamerait un mezzo un peu plus corsé que le sien. Philippe Talbot en second ténor et trois excellentes basses à la couleur très différentiée complètent cet excellent plateau dont le style d'élocution paraît parfois un peu disparate mais reste toujours parfaitement idiomatique et compréhensible, y compris chez les chœurs, ce qui constitue un de ses grands atouts. Gyorgy Vashegyi à la tête de l'Orfeo Orchestra, un ensemble hongrois de qualité, apporte une belle énergie  et un grand sens dramatique à cette première discographique très intéressante, malheureusement  déparée par des passages un peu abrupts d'un point d'index à l'autre qui gâtent la continuité de l'écoute. Un problème sans doute dû à la technique du téléchargement et qui mériterait d'être corrigé.

A.C.