Carlo Vistoli (Xerse), Ekaterina Protsenko (Amastre), Gaia Petrone (Arsamene), Carolina Lippo (Romilda), Dioklea Hoxha (Adelanta), Carlo Allemano (Ariodate), Nicolò Donini (Aristone), Nicolòòò Balducci (Periarco), Aco Bišćević (Elviro), Orchestre baroque Modo Antiquo, dir. Federico Maria Sardelli.

Naxos 8 660536-37 (2 CD). 2022. Live. 2h32. Notice en anglais. Distr.Outhere.

Créé à Venise en 1654, Xerse, vingtième des trente-trois ouvrages achevés par Cavalli, marque un tournant dans sa carrière. La disparition précoce de son complice, le librettiste Giovanni Faustini, l’amène à travailler avec un jeune dramaturge de vingt-sept ans, Nicolò Minato, aux idées novatrices : foin, désormais, des sujets mythologiques, des personnages divins ou fabuleux, place aux drames et aux héros (plus ou moins) historiques. Ainsi, le livret de Xerse met-il en scène un véritable roi de Perse, Xerxès le Grand, qui tenta effectivement d’envahir la Grèce grâce à un pont de bateaux avant d’être vaincu par Thémistocle. Les démêlées érotico-bouffes dans lesquelles le souverain se voit ici plongé relèvent, elles, de l’imagination de Minato, dont le texte continua longtemps à séduire, puisqu’il fut à nouveau mis en musique par (entre autres) Bononcini (1694) et Haendel (1737).

 En écho à la nouveauté de la pièce, la partition de Cavalli annonce l’avenir, se pliant désormais à une discrimination plus nette entre récitatifs et airs, au détriment des premiers. Cette musique connut elle aussi un succès prodigieux, du moins en Italie. Mais lorsqu’il fut exécuté à Paris devant le jeune Louis XIV, en 1660, l’opéra (truffé par Lully de ballets qui en portèrent la durée à huit heures) ennuya beaucoup le public.

 Un risque que n’ont pas couru les spectateurs du Festival de Martina Franca, où a été enregistrée la présente production, grevée de larges coupures : près d’une demi-douzaine de personnages disparaissent, dont celui du page Clito (auquel étaient confiés les finales des deux premiers actes) et, surtout, celui, très fleuri, de l’eunuque Eumene (écrit pour castrat mais confié au ténor Guy de Mey par René Jacobs, dans sa belle intégrale de 1985, qu’Harmonia Mundi serait bien avisé de rééditer).

 La nouvelle version ne peut donc se mesurer à la précédente et aurait peut-être gagné à être publiée en DVD, les bruits de scène s’avérant plutôt gênants au disque. En accord avec les usages vénitiens, Sardelli y dirige un ensemble réduit de huit musiciens (parmi lesquels un volubile cornet), offrant une lecture sans temps mort mais anguleuse, avare de lyrisme (notamment dans les airs d’Adelanta, rôle modestement incarné) et au continuo brutal. Face à des parties parfois trop aigues, certains chanteurs s’époumonent : la voix serrée, acide, instable de Lippo nous fait grincer des dents et, en Ariodate, Allemano démontre qu’il est désormais beaucoup plus baryton que ténor. Si la mezzo Petrone reste fade en Arsamene (rôle confié au castrat Atto Melani, l’« espion de Mazarin », en 1660), la soprano Protsenko, malgré un timbre de garçonnet, rend justice à celui d’Amastre (dévolu au frère d’Atto, Filippo). Mais ce sont en définitive les deux contre-ténors (Vistoli et Balducci) qui nous valent les meilleurs moments de ce qui n’est qu’un document.

 

O.R