Sabine Devieilhe (Lakmé), Frédéric Antoun (Gérald), Stéphane Degout (Nilakantha), Ambroisine Bré (Mallika), Philippe Estèphe (Frédéric), Elisabeth Boudreault (Ellen), Marielou Jacquard (Rose), François Rougier (Hadji). Ensemble Pygmalion, dir. Raphaël Pichon. Mise en scène : Laurent Pelly (Paris, Opéra-Comique, 4 & 6 octobre 2022).

Naxos. Présentation bilingue (angl., franç.). Distr. Outhere.

Une production bien sage. Laurent Pelly stylise le pittoresque, sans l’éluder, le décor de Camille Dugas lorgnant d’ailleurs plutôt vers le Japon – alors que la présence de la lune rappellerait Turandot : rien de kitsch, mais l’Inde est bien là, avec ces Anglais habillés à la mode des années 1920, cette petite Lakmé vêtue de blanc et d’innocence. Pour la préserver des tentations du monde, son père, pendant exotique de Rigoletto, l’enferme dans une cage de bambou ou l’exhibe, au deuxième acte, sur une charrette. L’univers de Lakmé, c’est cette scène jonchée de lotus blanc où, à la fin, elle meurt d’amour – en présence du chœur. Aucune relecture, donc, avec une direction d’acteurs assez convenue, voire plate, comme si le metteur en scène ne savait pas quoi faire de l’opéra-comique de Delibes, dont il affadit gentiment les enjeux. Ainsi, il se répète, nous resservant un peu de comédie musicale pour une Ellen, une Rose et une Mistress Bentson un peu fofolles, vague souvenir de productions où il se montrait plus inspiré. Et il faut une fois de plus tolérer les racoleuses et douteuses mises au goût du jour des dialogues par Agathe Mélinand. Mais les lumières de Joël Adam sont belles.

Heureusement, la musique est là et l’on tient une distribution de haute école malgré le Gérald de Frédéric Antoun. Huit ans après la production de Lilo Baur in loco, le ténor canadien a perdu sa souplesse, force son émission, surtout dans l’aigu, peine du coup à galber une ligne qu’on a connue plus sûre. Se retrouve aussi Sabine Devieilhe mais elle n’a rien perdu de ses attraits : pureté cristalline du timbre, homogénéité de la tessiture, d’un suraigu stellaire à un médium parfaitement projeté – hormis l’entrée et les clochettes, le rôle n’est pas si haut perché –, phrasé subtilement ourlé, tout est resté intact. Avec un frémissement, une vibration faisant de Lakmé une fleur s’ouvrant à la vie et à la mort, rien moins qu’une poupée aux vocalises de rossignol, très différente de celle de Natalie Dessay, qui la précéda à Favart. Stéphane Degout délivre une leçon de style dans les Stances de Nilakantha, père plus tutélaire que redoutable, manquant juste d’un peu de noirceur pour les appels à la vengeance meurtrière. Les rôles secondaires sont bien tenus, en particulier la Mallika plantureuse d’Ambroisine Bré et, surtout, le Hadji de François Rougier, qui revisite complètement le rôle. À la tête d’un magnifique ensemble Pygmalion, y compris le chœur, Raphaël Pichon ne renouvelle pas moins notre connaissance de l’orchestre de Delibes, dont il rafraîchit et ravive les couleurs, quitte à négliger la sensualité de certaines pages, vrai chef de théâtre aussi, palliant les carences de la production. On regrette, du coup, l’absence du ballet.

D.V.M