Juan Diego Flórez (Giacomo V/Uberto), Marko Mimica (Douglas), Michael Spyres (Rodrigo), Salomé Jicia (Elena), Varduhi Abrahamyan (Malcolm), Ruth Iniesta (Albina), Francisco Brito (Serano/Bertram), Giusi Merli (Elena vieille), Alessandro Baldinotti (Malcolm vieux) ; Chœur et Orchestre du Comunale de Bologne, dir. Michele Mariotti, mise en scène : Damiano Michieletto (Pesaro, 2016).

DVD C Major 784308. Notice en anglais, allemand et français. Distr.DistrArt Musique.

La production de Damiano Michieletto, captée au festival de Pesaro 2016, imagine La donna del lago comme un grand flash-back. Sous le regard inquiet et jaloux du vieux Malcolm qu’elle a fini par épouser, Elena, devenue une vieille dame, revit l'histoire de sa rencontre avec le roi Giacomo V auquel elle voue depuis un véritable culte. Le télescopage entre passé et présent, concrétisé par le dédoublement des deux personnages, leur donne une humanité inédite et renforce le caractère préromantique de l’œuvre, transposée à l’époque de sa création dans une Écosse exempte de tout folklore. Le spectaculaire décor de Paolo Fantin, une grande demeure aristocratique délabrée, envahie par les hautes herbes lacustres, dans laquelle ils errent à travers leurs souvenirs, souffre d’éclairages peu adaptés pour une captation vidéo, ce qui en réduit la poésie. L'apparition de la cour de Giacomo V, au final, qui semble sortir du lac tandis que la maison disparaît dans les cintres, y perd un peu de sa magie.

La captation, en revanche, offre une plus grande proximité avec les interprètes dont bénéficient l'Elena de Salomé Jicia et, plus encore, le Malcolm de Varduhi Abrahamyan. À la scène, elles paraissaient un peu écrasées par la forte présence des deux ténors, Juan Diego Flórez et Michael Spyres. Le premier reste en effet le maître incontesté du contraltino rossinien, même si ses suraigus facultatifs paraissent parfois un peu forcés et hors de propos. Il se montre insurpassable dans son grand air du deuxième acte « O fiamma soave » où il fait valoir une longueur de souffle impressionnante et une ligne où il se permet d'infinies nuances. Michael Spyres, de son côté, assume avec un bel aplomb la tessiture de baritenor de Rodrigo et leur affrontement dans le trio du deuxième acte constitue un des moments les plus excitants de la production. Salomé Jicia se révèle une vocaliste de haut vol, avec une belle voix centrale, faisant preuve de beaucoup de sensibilité dans son rôle de jeune fille prise entre son amour pour Malcolm, la séduction du faux Uberto et les exigences de son père qui voudrait la donner à Rodrigo. Varduhi Abrahamyan, au début de son itinéraire rossinien, offre à Malcolm sa voix veloutée mais manque encore un peu d'autorité pour les aspects héroïques de son rôle. Marko Mimica donne une belle épaisseur au rôle épisodique de Douglas et le jeune ténor Francisco Brito se fait déjà remarquer dans ceux, secondaires, de Serano et de Bertram.

D'un grand raffinement, avec un souci constant du détail instrumental, la direction toujours très équilibrée de Michele Mariotti, entre lyrisme et tension dramatique, à la tête de son orchestre et des chœurs du Comunale de Bologne est un atout majeur de cette version qui, par son originalité dramaturgique, donne une profondeur inédite à un synopsis assez linéaire, et peut trouver une place de choix dans une vidéographie très limitée, entre la version un peu datée de Werner Herzog à la Scala en 1992 et celle de Paul Curran captée au Met en 2015, offrant une excellente porte d'accès à un opéra dont les productions restent encore assez rares.

A.C