Małgorzata Grzegorzewicz-Rodek (Bronka), Agnieszka Kuk (Marynka), Łukasz Gaj (Janek), Paweł Trojak (Stach), Dariusz Górski (Marek), Dawid Jarząb (Premier Montagnard), Mateusz Słonina (Second montagnard). Chœur de femmes de la Philharmonie de Lublin, Ensemble vocal I Signori Men’s, Orchestre de la Philharmonie Wieniawski de Lublin, dir. Wojciech Rodek (Lublin, Philharmonie Henryk Wieniawski, 20-22 octobre 2021).

Naxos. 2 CD. Présentation en anglais. Distr. Outhere.

Władysław Żeleński fut, avec Zygmunt Noskowski, la grande figure de la vie musicale polonaise à la fin du siècle. Après avoir dirigé la Société de musique de Varsovie, il inaugura en 1888 le Conservatoire de Cracovie, où il s’éteignit en 1921. Ancien élève de Henri Reber à Paris, formé à l’école des grands classiques et de l’opéra français, admirateur de Gounod, il se posait plus en héritier de la tradition qu’en novateur visionnaire. Non qu’il fût insensible à la modernité, celle de Wagner ou celle du vérisme, comme en témoigne ce Janek, créé en 1900 à l’occasion de l’inauguration du Théâtre municipal de Lviv.

Cet assez court opéra en deux actes tente en effet d’acclimater dans les Tatras l’histoire de Cavalleria rusticana : une paysanne jalouse demande au fiancé de celle qui lui a pris son bien-aimé de la venger. Mais la distance est grande entre la Sicile et les Tatras : Janek est un de ces bandits rebelles, meneurs d’hommes, vénérés par les montagnards armés de haches, que célébrera plus tard le ballet Harnasie de Szymanowski. Tombé dans une embuscade à la suite d’une trahison, il est soigné par Bronka, qui s’éprend de lui malgré elle comme il s’éprend d’elle malgré lui.

Les références au folklore montagnard (on entend dès l’ouverture une mélodie célèbre que reprendra Harnasie) ne manquent pas, dans un habillage harmonique très traditionnel, bien digne d’un héritier de Moniuszko, sur lesquelles la greffe vériste a du mal à prendre – la greffe contrapuntique de l’ouverture ne prend pas davantage. Partition hybride donc, mais qui, lorsque Żeleński donne libre cours à son sens de la mélodie, à son savoir-faire en matière d’instrumentation, à son lyrisme naturel, offre des pages d’une belle inspiration, à commencer par l’air de Janek « Gdy ślub weźmiesz z twoim Stachem » [Quand tu épouseras ton Stach].

Cette première discographique n’est qu’une version d’attente. Wojciech Rodek conduit prosaïquement un orchestre et une distribution moyens – bon chœur, en revanche. Il a aussi opéré des coupures au second acte. L’école polonaise aurait pu, de son côté, fournir des recrues plus convaincantes. On attend de Bronka autre chose que le chant droit et scolaire de Małgorzata Grzegorzewicz-Rodek. Agnieszka Kuk convainc davantage en Marynka jalouse, mais sans toutes les ressources qu’exigent ses élans vengeurs, surtout à la fin de l’œuvre. Côté clés de fa, le Stach de Paweł Trojak, qui tue Janek, et le Marek de Dariusz Górski  dont le violon fait penser, chez Paderewski, au Jagu de Manru assurent, plus bruts que raffinés. Si bien que l’on retient surtout le Janek de Łukasz Gaj, malgré quelques notes aiguës changées, certes un peu vert, mais à l’émission naturelle et au chant vaillant sans être forcé, notamment dans les rythmes de marche, alors que « Gdy ślub weźmiesz z twoim Stachem » est très probement phrasé – même si l’on y réécoutera Piotr Beczała dans son récital slave (Orfeo).    

  D.V.M