Adrienne Lecouvreur est un des plus beaux rôles du répertoire italien, où s’illustrèrent les grandes divas – mais Maria Callas ne l’aborda jamais. Tamara Wilson y débute avec éclat, déjà identifiée à la comédienne mythique empoisonnée par sa rivale, la princesse de Bouillon. Voix à la rondeur opulente, à l’aigu éclatant, au médium et au grave charnus, chant sur le souffle, colorations raffinées, nuances subtiles, tout séduit chez cette Adrienne entre tendresse éperdue et véhémence impérieuse – au dernier acte, après un superbe « Poveri fiori », « No, la mia fronte » est anthologique. Il ne lui restera qu’à affiner les passages plus déclamés où les mots doivent se sculpter davantage. Brian Jagde, son partenaire dans la Turandot de Bastille, se montre digne d’elle, par le métal du timbre et l’homogénéité de la tessiture, le respect de l’éventail dynamique, l’élégance d’une ligne constamment contrôlée, notamment dans « Il russo Menchikoff », où la vaillance de l’officier ne se débraille pas.

Superbe est aussi Clémentine Margaine, préservant la cohésion des registres et la noblesse du phrasé dans les affres de la jalousie vengeresse, une vraie Princesse dès son entrée au deuxième acte, qui révèle d’emblée un timbre capiteux, avec un registre grave d’une exceptionnelle richesse, idéal pour « O vagabonda stella d’Oriente ». Soupirant malheureux et chenu, Michonnet se voit trop souvent distribué à des voix usées alors qu’il appelle un baryton en peine possession de ses moyens, au cantabile d’école, à l’émission souple : on l’a entendu en Misha Kiria.

Aux côtés du Prince du vétéran Maurizio Muraro, les comprimarii, solistes de l’Opéra Studio lyonnais, manquent de relief, parfois avalés par l’orchestre, à l’exception de Robert Lewis en abbé lascif. Daniele Rustioni dirige en chef de théâtre une partition dont il n’a pas coupé le ballet du troisième acte, mais sans négliger les agréments si souvent oubliés de l’instrumentation – magnifique prélude du quatrième acte. Fera-t-on mieux bientôt, ou aussi bien, à l’Opéra Bastille ? 

D.V.M