Aida Garifullina (Juliette), Tara Erraught (Stéphano), Susanne Resmark (Gertrude),  Saimir Pirgu (Roméo), David Alegret (Tybalt), Benat Egiarte (Benvolio), Gabriel Bermudez (Mercutio), Isaac Galan (Pâris), German Olivera (Grégorio), Ruben Amoretti (Capulet), Nicola Ulivieri (Frère Laurent), Stefano Palatchi (Le Duc), Dimitar Darlev (Frère Jean). Chœur et Orchestre du Liceu, dir. Josep Pons. Mise en scène : Stephen Lawless (enr.2018).

C major. 2 DVD. Présentation trilingue (angl., all., franç.). Distr. DistrArt Musique.

Tout se passe dans un colombarium, où l’on voit aussi une statue d’Eros : l’amour et la mort, jusqu’à ce que, à la fin, les deux camps déposent les armes. Rien d’original, mais pourquoi pas ? Pourquoi pas aussi la transposition à l’époque de la guerre de Sécession ? On peut bien mâtiner Shakespeare de Margaret Mitchell et donner à l’opéra de Gounod un côté Autant en emporte le vent, avec des robes à crinoline. Visuellement, c’est plutôt joli à voir, notamment le bal du début. Encore eût-il fallu, pour soutenir le propos, que Stephen Lawless ne se contente pas d’une direction d’acteurs au minimalisme conventionnel, sur lequel achoppent les scènes de foule du troisième acte, où le page Stéphano a des airs de majorette. 

Aida Garifullina et Saimir Pirgu forment un beau couple. Elle a la rondeur fruitée de Juliette et sa jeunesse déjà mûre, légère dans l’ariette, mais corsée dans l’air du philtre. La beauté de la ligne ajoute à notre plaisir, comme l’intensité de l’interprétation. Lui a le timbre mâle de Roméo, son ardeur conquérante, plus vaillant que raffiné cependant, non sans dureté dans l’aigu, mais convaincant par l’élégance du phrasé. Leur français passe bien, ils ont le sens de la prosodie, comme le noble frère Laurent de Nicola Ulivieri, à qui manque seulement la profondeur des graves.

 Chez les autres, c’est selon. L’exotisme articulatoire ne gêne pas chez le Tybalt très avantageux de David Alegret, qu’on pourrait voir en Roméo, ni chez le charmant page de Tara Erraught. Gabriel Bermudez, en revanche, empêtre sa belle voix dans les couplets de la reine Mab, le premier acte ne sied pas davantage au Capulet de Ruben Amoretti, beau timbre au demeurant, qui escamote ses notes avant de s’améliorer au troisième, alors que le Duc vocalement cacochyme de Stefano Palatchi fait peine à entendre. Que tout ce monde s’intéresse à l’opéra français ne peut que nous réjouir, mais le lyricomane francophone n’est pas toujours à la fête. Josep Pons, en tout cas, rallie les suffrages par la théâtralité maîtrisée d’une direction claire et colorée : un des meilleurs chefs pour l’opéra de Gounod après Charles Mackerras à Londres et Yannick Nézet-Séguin à Salzbourg.  

D.V.M