Daniel Harding, Wiener Philharmoniker© SF/Marco Borrelli

Pour célébrer le centenaire de la naissance de György Ligeti, le Festival a consacré son cycle de concerts « Zeit mit… » au compositeur et sa pièce Lux aeterna a donné son nom au cycle de musique sacrée « Ouverture spirituelle ». Pour ce dernier concert de la série, le programme réunissait deux œuvres orchestrales majeures du compositeur hongrois Atmosphères et Lontano, couplées à deux chefs d’œuvre de Richard Strauss, Metamorphosen et Also sprach Zarathustra. Au pupitre Daniel Harding remplace Franz Welser-Möst qui a déclaré forfait pour raisons médicales.

            Atmosphères est une pièce courte, où le compositeur fait surgir de l’infinitésimal (technique de la micro-polyphonie) des espaces immenses, la superposition progressives des registres permettant d’ouvrir insensiblement des perspectives, d’éclairer ou d’assombrir le discours musical. La réalisation est clinique, parfaitement calibrée dans ses évolutions et ses mouvements, proche de ce qu’a pu être l’idéal d’une certaine avant-garde des années 1950 et 1960, et partant assez éloigné de l’univers de Ligeti, si attaché à la matière sonore et ne refusant pas l’évocation poétique pourvu qu’elle ne soit pas littérale. Lontano donne la même impression, alors que rugissent – de loin – les échos du post-romantisme. Au lieu d’être happé par ce lointain qui d’abord force à tendre à l’oreille, on demeure étranger à l’interprétation, néanmoins admiratif de la beauté plastique de la réalisation.

            Les deux Strauss laissent finalement la même impression, à la différence que les viennois sont chez eux dans ce répertoire. Mais dans de telles conditions les Métamorphoses y perdent leur tragique, les solistes y font des merveilles, le son est chaleureux, souple, lumineux, voire luxueux… alors que le compositeur a donné pour (fausse) date de début de la composition le lendemain de la destruction de l’Opéra de Vienne par les bombes des Alliés. On n’a certes pas boudé notre plaisir devant une telle débauche de son, mais on regrette l’absence de discours et surtout d’à-propos. Zarathoustra manque aussi de récit, tout y est parfaitement réalisé, mais les élans ne sont pas conduits, les sections semblent juxtaposées et les points culminants impressionnent au lieu de saisir. Dans cette partition, le son idiomatique des viennois correspond de façon plus évidente au substrat dionysiaque, mais on déplore l’absence de vertige et d’effroi qu’inspire aussi le prophète nietzschéen.

            Salzbourg a cette particularité de reconfigurer l’horizon d’attente de l’auditeur. En effet, la fréquentation assidue des Wiener Philharmoniker transforme ce qui ailleurs serait de l’ordre de la subtilité en défaut flagrant. C’est le prix de l’excellence que d’être sévère avec un concert qu’ailleurs et à un autre moment on aurait peut-être mieux apprécié.

J.C.

 
Daniel Harding, Wiener Philharmoniker© SF/Marco Borrelli