Nicolai Alaimo (Sir John Falstaff), Simone Piazzola (Ford), Matthew Swensen (Fenton), Christian Collia (Dr. Cajus), Antonio Garés (Bardolfo), Gianluca Buratto (Pistola), Aylin Pérez (Ailce Ford), Francesca Boncompagni (Nanetta), Sara Mingardo (Mrs. Quickly), Caterina Piva (Mrs. Meg Page), Orchestre et Chœurs du Mai Musical Florentin, dir. John Eliot Gardiner, mise en scène : Sven-Eric Bechtolf.
Dynamic BluRay 57951. Distr. Outhere.
 
Sir John Eliot, qui avait enregistré son Falstaff audio chez Philips voici quelques 20 ans en assurant lui-même la mise en espace des concerts qui avaient suivi, avoue toujours son rejet des mises en scènes alambiquées ou trop modernes. On le comprend parfois : certes, la tradition dans Falstaff peut avoir du bon, quand elle fonctionne à la perfection, mais comment, alors que le chef britannique revient dans la fosse pour le diriger au Mai Musical Florentin, cautionner la pauvreté du travail scénique de Sven-Eric Bechtolf ? S’il est aisé à suivre, c’est pour n’y trouver ni subtilité, ni légèreté, ni élégance, et le résultat s’apparente plus à une exposition de – très – jolis costumes devant des décors qui se veulent sans doute évoquer, entre grange et séchoir, les architectures de bois de l’époque élisabéthaine, revues au prisme d’une modernité sans esprit ni investissement. La production file, pas même bien réalisée – la panière ne s’ouvre pas au moment de basculer l’énorme Falstaff au bain – les effets sont appuyés, l’ensemble n’est en rien mémorable.
 
Las, la distribution ne l’est pas non plus. Il y a certes, et c’en est son seul formidable atout, le Pancione de Nicolai Alaimo qui sort du lot. Aussi enveloppé qu’Ambrogio Maestri, le dernier grand titulaire du rôle depuis 15 ans, plus jeune, moins risible, pas moins sympathique, il explose de toute la théâtralité virevoltante d’un pseudo grand seigneur qui se croit supérieur et irrésistible, et s’inscrit ainsi aussitôt dans la lignée des grands interprètes du rôle. Qu’il chante à merveille, sans le moindre effort, sans le moindre effet, avec un plaisir audible à se délecter de sa langue natale. Certes, ses deux sbires sont excellents, mais en face, que de déceptions : le Ford bougon et assez fruste de Simone Piazzola, paysan presque, jouant sans nuances de sa grosse voix, le Fenton de Matthew Swensen bien pâlichon, sans verve, sans sveltesse et sans émerveillement dans le chant, ce qu’on peut aussi écrire de la Nanetta de Francesca Boncompagni, voix bien trop droite et surtout pas toujours juste. L’Alice d’Aylin Pérez aligne des aigus de qualité, mais semble ne s’occuper que de cela, sans s’investir jamais dans le pétillant de son rôle. Si la Meg de Caterina Piva est sans reproche, c’est de très loin Sara Mingardo dont la Quickly, très éloignée des matrones trop souvent vues en ce rôle, domine de toute sa finesse théâtrale et de l’élégance de son chant, le clan féminin.
 
Reste la fosse, bien entendu, et Gardiner qui reçoit de l’Orchestre du Maggio une réponse en finesse instrumentale, en énergie complice, digne de sa battue  toute en raffinement. C’est là que l’oreille se fixe dès l’abord. Dommage que la scène ne soit vraiment pas en phase avec cette leçon – mais Gardiner, comme Karajan autrefois, ne partage plus guère avec autrui à l’opéra. Dommage aussi que la distribution ne soit pas non plus – on excepte bien entendu Alaimo et Mingardo – à l’aune de son instinct musical.

P.F

A lire : notre édition de Falstaff/L'Avant-Scène Opéra n° 87/88