Jan Martiník (Pan Serwacy), Olga Pasiecznik (Zuzia), Stanislav Kuflyuk (Pan Marcin), Mariusz Godlewski (Stanislas), Adam Palka (Bartlomej). Chœur de l’Opéra et de la Philharmonie de Podlasie, Europa Galante, dir. Fabio Biondi (Varsovie, Opéra, 12-14 août 2021).
Institut Chopin. Présentation bilingue (pol., angl.). Distr. Socadisc.
 
C’est un opéra-comique ne disant pas son nom, avec dialogues parlés, créé le 1er janvier 1861 à Varsovie, sur un livret de Jan Chęciński, qui devient à partir de ce Verbum nobile le librettiste de Moniuszko. Un homme de métier, metteur en scène à l’Opéra de Varsovie et traducteur de livrets. Le verbum nobile oblige : Pan Serwacy a promis sa fille Zuzia à Michal, le fils de son ami Pan Marcin. Elle ne peut donc épouser Stanislas, bien qu’il lui rende son amour. Heureusement, il s’avère que Marcin et Stanislas ne font qu’un, le verbum nobile n’est donc pas violé. L’œuvre célèbre aussi les valeurs d’une noblesse polonaise idéalisée, deux ans avant l’insurrection de 1863, comme le fera, après son échec, Le Manoir hanté. Les couplets de Marcin sur un rythme de polonaise annoncent d’ailleurs l’air du Porte glaive du Manoir. L’œuvre est-elle trop « polonaise » pour s’exporter, à l’instar des opéras de Moniuszko en général ? Des rencontres à Paris, en décembre 1861, avec les directeurs de l’Opéra-Comique et du Théâtre Lyrique, restèrent déjà sans lendemain. Moniuszko, pourtant, montre sa connaissance de l’opéra-comique français à la Auber – et du buffa rossinien, notamment à travers le chant syllabique rapide et le duo des deux pères clés de fa.
Ce Verbum nobile est un petit bijou, auquel Halka et Le Manoir font trop d’ombre. Pilier du festival estival « Chopin et son Europe », Fabio Biondi, qui semble avoir entamé une intégrale des opéras de Moniuszko sur instruments anciens, en saisit les finesses dès la pétillante Ouverture, que les programmes de concert devraient accueillir. Rien, ensuite, ne pèse ou ne pose, même si lui manque toujours la fibre théâtrale – et le duo des jeunes gens languit beaucoup. Olga Pasiecznik a perdu sa fraîcheur et la stabilité de son aigu, elle a la vocalise laborieuse, mais elle reste une chanteuse raffinée et incarne une charmante Zuzia. Elle chante la version originale ornée de son air, à laquelle on a longtemps préféré la version révisée du chef d’orchestre Grzegorz Fitelberg, une dumka mélancolique. Pas de soupirant ténor dans ce Verbum nobile : Stanislas est Mariusz Godlewski, reconnaissable à son timbre velouté, à l’aisance de son aigu, à l’élégance de sa ligne. Les clés de fa ne déçoivent pas, à commencer par le serviteur Bartlomej, un Adam Palka qui pourrait chanter les maîtres tant il en impose par la voix et le chant – il était, cette saison, Raimondo de Lucia di Lammermoor à Bastille. Les deux pères sont bien campés, Serwacy de Jan Martiník et surtout Macrin de Stanislav Kuflyuk, qui a davantage de relief et d’autorité.  Le chœur est excellent. Réjouissons-nous de ce Verbum nobile, sans oublier, sur Youtube, même sans instruments d’époque, la version plus théâtrale dirigée par Boguslaw Madey, avec le Serwacy de Leonard Mroz – réécoutons aussi l’Ouverture par Fitelberg. Cette version, en tout cas, éclipse sans peine celle de Warcisław Kunc (Dux).

D. V. M