Sandrine Piau (Sandrina), Susanne Bernhard (Arminda), Lydia Teuscher (Serpetta), Olivia Vermeulen (Ramiro), Julian Prégardien (Belfiore), Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (le Podestat), Michael Kupfer-Radecky (Nardo). Orchestre de la radio de Munich, direction : Andrew Parrott (live, Prinzregententheater de Munich, 21-22 janvier 2017).
CPO 555 386-2 (3 CD). Notes et livret en anglais et en allemand. Distr. DistrArt Musique.
 
Après avoir suscité un enthousiasme relatif lors de sa création à Munich en 1775, La finta giardiniera connut une seconde vie grâce au directeur de troupe Johann Heinrich Boehm, qui fit traduire le livret par l'acteur Franz Xaver Stierle et présenta l'ouvrage sous forme de Singspiel cinq ans plus tard, à Augsbourg. Présentant donc une alternance entre morceaux chantés et dialogues parlés, Die verstellte Gärtnerin s'imposa sur de nombreuses scènes allemandes, en plus de constituer pour Mozart une étape non négligeable dans le cheminement artistique qui allait le mener à L'Enlèvement au sérail puis enfin à La Flûte enchantée. C'est cette mouture que propose Andrew Parrott dans un enregistrement de grande classe réalisé au Prinzregententheater de Munich. S'il ne peut évidemment rendre transcendante une partition tributaire d'une intrigue pour le moins embrouillée s'étirant sur plus de trois heures, le chef britannique propose une lecture d'une belle élégance qui sait toujours conserver le sens de l'équilibre. À la tête de l'Orchestre de la radio munichoise, il évite ainsi de verser dans certains excès dans les choix de tempi ou effets de contrastes, comme on peut par moments le regretter dans la version, au demeurant remarquable, de Harnoncourt avec le Concentus Musicus (1991, Teldec). La partition en perd sans doute une partie de sa puissance dramatique, mais gagne par contre en subtilité en ce qui a trait aux atmosphères et à la clarté du discours musical.
 
La vedette incontestée de cette intégrale est Sandrine Piau, qui offre un splendide portrait de la marquise Violante, alias Sandrina. On ne sait quoi admirer le plus, de la justesse de l'expression, du timbre toujours merveilleusement frais ou de l'agilité vocale. Sa grande scène du deuxième acte, où elle enchaîne son air déchirant « Ach, haltet, Barbaren » (« Crudeli, oh Dio ! ») et la cavatine « Ach, vor Tränen » (« Ah ! Dal pianto, dal singhiozzo ») la trouvent au sommet, de même que le magnifique duo final avec Belfiore. À défaut de posséder une facilité dans le suraigu comparable à celle d'Edita Gruberova chez Harnoncourt, elle bénéficie à notre avis d'une gamme de couleurs nettement plus variée. Déjà entendu dans le rôle du jeune comte Belfiore au Festival d'Aix-en-Provence de 2012, Julian Prégardien s'avère dans l'ensemble convaincant, sans pour autant pouvoir rivaliser avec Fritz Wunderlich dans l'enregistrement dirigé par Josef Dünnwald (1956, Line Music). Outre un timbre quelque peu nasal, il ne rend pas justice par ailleurs à son air d'entrée en respirant de façon incongrue en plein milieu d'une longue montée en vocalises. En revanche, on n'aura que de bons mots pour la mezzo Olivia Vermeulen, ardent Don Ramiro à la voix chaude ravissante, et pour la soprano Susanne Bernhard, émouvante Arminda aux accents passionnés. Les valets Serpetta et Nardo sont parfaitement servis par la pétillante Lydia Teuscher et l'amusant Michael Kupfer-Radecky. Malheureusement, le ténor Wolfgang Ablinger-Sperrhacke déséquilibre la distribution avec son Podestat caricatural à outrance. Voilà le seul véritable bémol de cette version qui occupe d'ores et déjà une place très estimable au sein de la discographie.
 

Louis Bilodeau